La seconde étape, c’est le gros morceau de cette transat, l'étape au large, l'étape où la solitude et l'autonomie vont prendre le plus de sens mais surtout l'étape qui m’impressionne le plus.
La météo est plutôt claire, une dorsale barre la route, il faut passer par le sud. Problème, au sud il y a des risques important d'orages, donc de nuages et le vent est fort 20-25N. Mon choix sera alors de descendre modérément vers le sud et d'essayer de rester dans la zone où le vent est d'environ 15 noeuds. Malheureusement, je suis rapidement happé par la dorsale et des 15 noeuds, il ne restera que 7-10 nœuds ce qui réduit considérablement la vitesse du bateau. Les milles de retards commencent à s’accumuler.
La vraie question est, comme lors de la première étape, l'énergie : « aurai-je assez de soleil pour tenir la Transat ? » Les premiers jours sont nuageux et le niveau des batteries tombe vite à 50 %. Rapidement je prends le rythme, au lever du jour je prends la barre après avoir préparé tout le nécessaire pour la matinée. Dès les premiers rayons de soleil, les 200W de panneaux solaires sont en place pour ne rien gâcher. 12H UTC : pilote enclenché, panneaux orientés au mieux, pour une heure de pause : vacation, petit en-cas charcuterie et la petite sieste. Puis c'est le retour à la barre jusqu'à ce que la nuit soit tombée. Il est alors temps d'enclencher le pilote, qui dans la pénombre fait beaucoup mieux le boulot que moi, et de préparer la nuit : rangement du bateau, navigation, repas et dodo.
Pendant les premiers jours, je ne comprends pas bien ce qui ce passe. Les conditions rencontrées ne correspondent pas vraiment aux prévisions ni à la bible de Jean Yves Bernot. Le moral n'est pas bien haut. Au 6ème jour, je croise Xu, le concurrent Chinois, il est à 3 milles et fait route directe vers la Guadeloupe ce qui me paraissait impossible... il y a un problème. Je fais le tour des paramètres de configuration du GPS... il me donnait le cap magnétique et non le cap vrai (dans cette région il y a un décalage d'environ 10°) ! A partir de ce moment, les choses s'éclaircissent. Restent des questions : suis-je assez sud ? Jusqu’où descendre ? J’empanne ? je continue ? Je n'ai pas trouvé les réponses : c'est vraiment le plus difficile dans cette traversé sans météo précise.
A 600 milles de l'arrivée, le rythme est un peu perturbé par l'arrivée de gros grains. Qui dit grain dit rafales, averses, nuages... mais aussi vracs, spi qui explose, bonnes frayeurs. Lundi 16 novembre le bilan est lourd: Spi médium explosé, code 5 en drapeau, et un nombre de vracs indénombrables. Je sentais l'arrivée proche, ça va être long... L'arrivée sera dans la continuité, Pointe des Châteaux, plus que 20 milles, le vent tombe, le ciel se charge... un grain juste pour le passage de la porte de Saint François sous une belle averse !
Le vent ne reviendra plus, après une transat 100 % portant, les 12 derniers milles se feront au près dans 3-4 nœuds de vent... le temps de préparer le retour à terre !
C'était long mais l'arrivée est exceptionnelle : à quelques centaines de mètres de la ligne, après avoir pris contact avec la direction de course, je vois arriver un premier zodiac et donc les premiers contacts avec des « gens » depuis 19 jours. Puis un second zodiac arrive et, rapidement, j'entends un « Papa » ! C'est une joie immense qui m’envahit ! Ils sont là, tous là ! Puis les choses s'enchaînent : la ligne, la famille sur le bateau et l'arrivée au ponton où tout le monde m'attend !
C'est fait !!! Et même bien fait !!!
Vendredi matin, petit passage à l'école de la Fanfarigoule pour faire le débriefing de la première étape.
19 septembre 2015 - 15h30 : le départ de la Mini-transat Iles de Guadeloupe est donné dans des conditions idéales à Douarnenez. Une dizaine de nœuds de vent, une mer plate et un grand soleil. Comme à mon habitude, afin de ne pas risquer de casser le bateau sur la ligne de départ, je prends un départ en deuxième rideau. Alors que les leaders sont déjà aux commandes, je me place dans l’arrière du peloton. Le parcours côtier n’est pas de tout repos, il faut éviter le 716 qui est coincé dans la première marque de parcours et contourner les 3-4 bateaux qui se sont télescopés un peu plus loin. Une fois la dernière marque de ce parcours côtier passée, une remonté de la baie au près commence. Bataille avec les paquets d’algues qui se prennent dans les safrans et virements de bord se succèdent jusqu’au Raz de Sein.
Mon premier Raz de Sein. A la tombée de la nuit nous y sommes. Le vent est faible et travers à notre route, ce qui nous permet de naviguer sous Gennaker à environ 5 nœuds. Puis le bateau accélère, 6, 7, 8 nœuds. Le courant nous emporte vers le sud, des conditions idéales pour un premier passage. Mais au moment de passer la Plate, premier souci, la caméra n’a plus de batteries….
Une première nuit de pétole. Le vent mollit, la nuit risque d’être compliquée. J’oriente quand je peux ma route au sud-ouest en m’efforçant de ne pas trop faire d’ouest pour ne pas trop m’éloigner de la route théorique. La nuit est très noire et les bateaux très groupés, seuls les feux de mât nous permettent de nous repérer. Après une sieste de 20 minutes, quelle ne fut pas ma surprise de voir un feu de mât à quelques mètres juste devant le mien. Je file à l’avant du bateau. Mon bout-dehors n’est qu’à quelques mètres du tableau arrière du 623 - Fred qui buvait un café ! Méfiance pour le reste de la nuit, les bateaux sont effectivement très, trop proches…
Aller chercher le front. La journée du dimanche se passe dans du vent très faible avec pour objectif d’avancer toujours vers le sud-ouest et d’aller chercher un front qui une fois passé nous donnera du vent portant vers le cap Finistère. Dans la nuit, le vent de sud-ouest rentre qui annonce l’arrivée du front. Je pars alors vers l’ouest pour passer au plus vite. Quelle surprise de voir apparaitre un groupe de bateau sur l’AIS (systèmes de sécurité qui nous permet d’avoir la position et la vitesse des bateaux à proximité), en étudiant de plus près, il s’agit du groupe des favoris. Le moral est alors au plus beau. Je suis super content de ma gestion de cette première partie de course dans le tout petit temps.
Ça commence à glisser. Une fois le front passé, le vent tourne au nord-ouest, le code 5 (petit spi permettant de naviguer vent de travers) est de sortie. La vitesse augmente avec des surfs à plus de 10 nœuds. Mais avec le vent qui monte, la mer se forme et je commence à ressentir les premiers effets du mal de mer. La nuit, une nouvelle fois très noire, me sera fatale : je vomis plusieurs fois et ai du mal à m’alimenter correctement ; la solution : essayer de se reposer un peu. La journée suivante sera encore un peu difficile, mais j’essaie de relancer le bateau pour ne pas perdre trop de temps sur mes concurrents.
Mardi soir, le cap Finistère, seconde difficulté du parcours. Un cap Finistère très calme, comme pour le Raz de Sein, les conditions sont très clémentes. Un vent relativement faible de nord-ouest nous permet de glisser doucement sous spi entre la terre et le DST (zone interdite pour nous).
Un nuage va modifier la course. Mercredi matin, je commence la descente le long de l’Espagne, le vent vient du nord et est relativement fort ce qui permet d’aligner les milles comme ça ne m’était jamais arrivé. Près de 190 milles en 24h pour mon petit bateau. Je m’impressionne même si je suis encore très loin des scores affichés par certains de mes concurrents : 220 milles pour le 868. Mais autre chose m’inquiète, le niveau des batteries est très faible et le soleil est caché derrière une épaisse couche de nuage. Il va falloir être économe en électricité pour ne pas se retrouver privé de GPS, pilotes….
Toujours pas de soleil et de moins en moins d’énergie. Jeudi matin, toujours cette couche de nuages qui empêche de recharger efficacement les batteries, je passe en mode « low power », je coupe tous les instruments que je peux couper : pilotes, capteurs de vents et vitesses. Je ne quitterai plus la barre jusqu’à la nuit. Ça tire, la fatigue est très intense, impossible de dormir sous voile sans pilote, je suis au portant et le bateau est instable à cette allure. Je finis par me mettre à la cape (arrêter le bateau face au vent) afin de pouvoir dormir un petit peu. Après quelques heures de repos, j’ai du mal à me réveiller mais je reprends la route.
Ça glisse encore et toujours. Je passe la journée à la barre afin de limiter au maximum la consommation électrique, mais le nuage toujours accroché au-dessus de ma tête ne me permet toujours pas de recharger les batteries. Comme la veille au soir, je finis par me mettre à la cape afin de me reposer un peu. La fatigue accumulée est telle que je n’entends pas le réveil et c’est 8 heures plus tard que je me réveille, en colère contre moi-même. 8 heures offertes à mes concurrents et près de 10 places perdues entre les deux vacations (tous les jours à 12h03 nous avons un bulletin météo et un classement par la radio).
Un peu moins de nuages. La couche de nuage finit par diminuer, nous sommes déjà à la latitude de Gibraltar et la charge des batteries permet de pouvoir utiliser un peu le pilote pour faire quelques petites siestes. Il est grand temps de reprendre un rythme de course. Samedi et dimanche se passent en grande partie à la barre pour ne pas trop consommer mais je m’autorise quelques siestes sous pilote pour rester lucide jusqu’à l’arrivée.
Une nouvelle rencontre. Samedi après-midi, alors que ça faisait 4 jours que je n’avais vu, ni entendu personne, je retrouve Lizzy sur le 633. Nous ferons la fin de la course bord à bord à essayer de passer l’autre. Alors que je pensais l’avoir lâchée pendant la nuit sous spi, elle réapparaît devant moi dans la journée du dimanche. Et le restera jusqu’à l’arrivée.
36ème. J’arrive mardi matin à 5h30 après une dernière nuit passée sous pilote en grande partie à dormir par périodes de 20 minutes entrecoupées de réglages de voiles et changement de voiles. Alors que j’attendais du vent de nord-est, il est venu de nord-ouest mettant à mal mon placement sur le plan d’eau. Après plus de 1000 milles de glissade, je ferais les 10 derniers milles au près dans un vent très faible. Mais quel accueil, il est 4h30 du matin ici, mais ils sont une quinzaine de skippers à m’accueillir sur le ponton… TOP !!!
Après la déception, la satisfaction. Mes premiers ressentis après l’arrivée sont assez durs : je suis déçu par cette impression d’avoir gâché ma Mini-Transat à cause de ce problème d’énergie. Puis avec le repos je me rappelle que je suis arrivé à Lanzarote ce qui était mon seul objectif ! Je suis fier de moi. Il ne reste plus qu’à faire de même sur la seconde étape…
Un mois jour pour jour avant le départ de la Mini-transat Iles de Guadeloupe 2015, RESARO retrouve son élément dans les eaux froides du port de Tréboule
We du 15 juillet, chassé-croisé sur les routes de France et chantier pour RESARO. Sortie de l'eau, carrénage, vérifications multiples et variées, chargement sur la remorque et départ vers la Bretagne dès que la route sera de nouveau praticable.
5 500€ restent à trouver afin de boucler le budget de la Mini-Transat Iles de Guadeloupe 2015. Rejoignez nous sur Fosburit et contribuez à la réussite du projet.
Ce WE, régate d'entrainement, 60 milles entre Antibes et St Tropez avec une météo bien de chez nous... 20 nœuds (36km/h) de face à l'aller et 20 nœuds de face au retour!!! Autant dire, des conditions pas forcément idéal pour nos petits Mini, ça tape, ça mouille et difficile d'avancer à plus de 5 nœuds (9 km/h)...